On pense en général à l'EFT pour soigner une douleur, morale ou physique, qui est déjà là. Pourquoi ne pas utiliser l'EFT dans l'autre sens, pour préparer une situation qui pourrait être désagréable, et en faire un moment gratifiant?
Il y a deux ans, Norma est venue me voir après avoir été témoin d'un accident grave dans lequel un ami proche avait failli perdre la vie. Ce n'était que la partie émergée de l'iceberg, et en quelques mois, nous avons ensemble déraciné de nombreux traumatismes d'enfance enfouis et "oubliés" depuis longtemps. L'EFT a aussi permis à Norma de changer certaines des croyances qui avaient gouverné sa vie pendant plus de 30 ans, telles que : "j'ai besoin de stress pour fonctionner", "je dois être parfaite", "le stress me permet de ne pas m'effondrer de fatigue", et de gérer des tensions familiales importantes. Norma utilise maintenant l'EFT pour elle-même de temps en temps, en particulier pour se préparer à des moments qui pourraient amener stress et anxiété. Quand elle sent qu'elle a du mal à tapoter seule, elle revient pour une séance, une à deux fois par an tout au plus. Voici l'un de ces moments.
A l'approche de la quarantaine, Norma a décidé de reprendre des études. L'EFT l'a déjà aidée lors des entretiens qu'elle a passés pour être acceptée dans son école, et maintenant le cycle est fini, et elle s'apprête à soutenir son mémoire. Elle me demande une séance spécifiquement pour se préparer à ce moment qui sera sans aucun doute difficile.
Elle a utilisé l'EFT à plusieurs reprises en écrivant son mémoire, et commence la séance en me disant : "En fait, je ne me sens pas du tout stressée". Une réaction de protection subconsciente et habituelle pour Norma. "Si je ne vois pas le stress, c'est qu'il n'y en a pas, non?". Mon rôle est de l'aider à identifier tout stress enfoui et à le laisser partir maintenant, avant la présentation.
J'entreprends donc de provoquer le stress par tous les moyens possibles et imaginables, décrivant une présentation où tout va de mal en pis. Et en creusant un tout petit peu, le stress est effectivement bien présent. Détail qui a son importance, Norma a décidé de présenter son mémoire sous un angle extrêmement personnel, et de parler à cette occasion d'aspects particulièrement difficiles de sa vie personnelle et familiale. Décision intéressante, car deux ans plutôt, Norma n'abordait le sujet que difficilement et partiellement, et ne l'aurait surement pas fait en public ET devant un jury!
Nous déroulons donc le film de la soutenance : départ de son domicile, trajet, arrivée à l'école et installation de la salle, arrivée du jury, présentation et questions du jury. Nous introduisons à chaque étape du film des sources possibles de stress. Nous tapotons méthodiquement pour évacuer toute réaction négative. l"idée est d'arriver à dérouler tout le film dans la sérénité... et l'humour si possible!
Voici quelques exemples sur lesquels nous avons tapoté :
Même si le directeur de jury pourrait me faire perdre mes moyens et me déstabiliser....
Même si j'ai un sac de nœuds d'angoisse dans le ventre...
Même si j'ai encore un petit serrement de gorge en pensant à la soutenance...
Même si je suis programmée pour perdre mes moyens et que donc je VAIS perdre mes moyens... je choisis de changer de programme... je choisis le programme "sure de moi" ….(éclat de rire de Norma : "on dirait un programme de machine à laver!")
Même s’ils me posent une question à laquelle je n'ai pas de réponse et que je vais paniquer (mains qui tremblent, estomac et gorge serrés, peut être même des larmes...)...
Même si j'ai appris à avoir la gorge serrée quand j'entends le mot stress...peut être que je peux apprendre à me sentir détendue, quoiqu'il arrive?
Même si la directrice de l'école est dans le public et que sa présence me rend nerveuse...
Même si le jury cherche et trouve mes points faibles (ou les trouve par hasard parce que je parle de choses si personnelles)...
Même si je ne suis pas sûre de bien maitriser mon texte... je choisis de trouver facilement les bons mots au bon moment...
Tout en tapotant, nous utilisons d'autres outils, tels que visualisation, utilisation des couleurs, respiration etc... L'objectif principal de Norma est de se sentir à l'aise avec un jury bienveillant.
Commentaire de Norma à la fin de la séance : "Merci, parce que au début de l'année je voyais la soutenance comme ...{elle ne trouve même pas de mot pour décrire le stress}, et maintenant je me sens complètement détendue."
A la fin de la séance, je lui donne des devoirs à la maison : imaginer et visualiser, au moins une fois par jour, que tout se passe parfaitement bien, dans les moindres détails.
Il reste 6 jours jusqu'à la soutenance. Nous refaisons le point la veille de la soutenance, et quelques nouvelles phrases apparaissent:
Même si ce sont des circonstances inhabituelles et que je serai donc forcément stressée...
Même si je pourrais tout rater et perdre des points...
Même si la voiture va choisir ce jour-là pour tomber en panne...
Même si on met la barre haut en prévoyant que tout se passe merveilleusement....
Même si le directeur du jury va chercher la petite bête et sera malveillant à mon égard....
Même si je me sens un peu tendue en imaginant le jury qui rentre dans la salle...
Norma se sent maintenant tout à fait à l'aise.
Suivi après la présentation
Voici quelques extraits du compte rendu du Norma après la présentation :
Je n'étais pas du tout stressée... ça s'est bien passé. Le directeur de jury m'a un peu titillée mais nous avons eu une conversation intéressante et je l'ai senti bienveillant. Note finale : 15 sur 20. J'ai du mal à réaliser que c'est fini!
Et un peu plus de détails, notez chacun des aspects sur lesquels nous avions tapoté :
J’ai préparé la salle qui était celle où nous avons eu la majorité de nos cours de l’année et disposé mes affaires. Le président de jury (le titilleur) est arrivé avant ma directrice de mémoire. Nous avons parlé de façon très détendue (une amie était là pour me soutenir) en attendant le début de la soutenance. Une fois ma directrice de mémoire arrivée, tout s’est enchainé. Chacun a pris sa place et nous étions debout pour la présentation du contexte par le président de jury. Ensuite, c’était à moi de parler et de présenter mon travail en utilisant une vision différente de celle du mémoire sur 20 minutes max. ... J’ai parlé sans stress. …. J’ai été félicitée par les deux membres sur l’originalité de mon travail et le travail de chercheur que j’avais fait. Le directeur de jury m’a posé plusieurs questions... Je n’ai pas su répondre à tout en profondeur mais c’est un puits de science bienveillant. Une fois cette partie finie, nous sommes sorties avec mon amie pendant la délibération qui a duré environ 10 minutes… Je n’ai été un peu stressée qu’à un seul moment : lorsque j’ai eu du mal à répondre aux questions du directeur de jury. Pas de stress au titillage car je savais que c’était normal et je sentais les membres du jury bienveillants.
L'EFT est décidément un outil versatile. Alors tapotez!
